Par un arrêt du 1er juillet 2021[1], la Cour d’Appel de Paris a indemnisé une Escort-girl, victime d’une tentative de viol, notamment au titre de sa perte de gains professionnels sur la base du SMIC et ce pendant 30 mois, bien qu’elle ne pouvait justifier du montant de ses revenus antérieurs.
Cette affaire est exceptionnelle et l’arrêt emblématique à plusieurs titres.
Affaire exceptionnelle tout d’abord, quant aux circonstances :
Il s’agissait d’une escort-girl, étrangère, victime d’une tentative de viol avec violence volontaires avec arme commises par un de ses clients dans le cadre de son activité professionnelle. Rouée de coups, croyant qu’elle allait mourir vu la violence de la scène, la victime avait été défigurée et extrêmement choquée. Ce n’est que grâce à son courage, à l’intervention d’un voisin qu’elle a pu éviter le pire.
Il paraissait évident et même acquis que toute personne, quelles que soient ses origines, quelle que soit sa tenue vestimentaire ou son métier, pouvait être victime d’un viol. Cela n’est malheureusement pas si simple : contre toute attente, nous avons dû rappeler et même plaider qu’une escorte-girl pouvait être victime de viol (ou tentative) dans le cadre de son activité professionnelle.
Affaire exceptionnelle ensuite quant refus de faire droit à une demande d’expertise :
La victime sollicitait une expertise psychiatrique afin d’évaluer son préjudice.
Cette demande, pourtant légitime et indispensable pour évaluer l’ensemble de ses préjudices, était refusée par les juges au pénal puis dans le cadre de la procédure d’indemnisation au motif que la victime avait été examinée dans le cadre de l’instruction par un psychiatre, alors qu’à ce stade, la victime n’est accompagnée ni d’un Avocat ni d’un médecin conseil. De plus, l’expertise avait été réalisée 3 mois après les faits ; il était donc impossible d’évaluer le retentissement psychologique au vu des violences subies.
Il a donc été nécessaire de se battre pour obtenir le droit à une expertise, la demande ayant été rejeté tant par le Tribunal correctionnel, par la Cour d’Appel au pénal, le Fonds de Garantie, la CIVI. Ce n’est donc que 5 ans après les faits que la Cour d’Appel de Paris a infirmé la décision de la CIVI et fait droit à la demande d’expertise rappelant que le plus simplement possible que « la mesure d’expertise sollicitée apparaît indispensable pour permettre à la cour d’évaluer le préjudice corporel de Mme P dans toutes ses composantes ».
On notera que ce n’est qu’à compter de cette décision soit 5 ans après son agression que la victime n’a enfin pu percevoir sa première provision ….
Arrêt emblématique enfin quant à l’indemnisation de la perte de gains professionnels des travailleurs ne pouvant justifier de leurs revenus avant les faits :
Le FGTI refusait toute indemnisation au titre de la perte de gains professionnels, considérant que l’activité de la victime était illicite (sic), qu’elle ne justifiait pas de ses revenus qui n’étaient de surcroit pas déclarés à l’administration fiscale.
Après 6 ans et demi d’acharnement judiciaire, la Cour d’Appel de Paris a ainsi fait droit à cette demande. La victime a pu être indemnisée à hauteur du SMIC sur plus de 30 mois considérant que
« Comme le fait exactement valoir Mme P, d’une part, la prostitution est une activité licite, et d’autre part, l’absence d’une activité déclarée antérieurement à l’infraction n’est pas en soi, un obstacle à l’indemnisation de la perte de gains professionnels dès lors qu’est rapportée la preuve que sans le dommage, la victime aurait exercé une activité rémunératrice. Dans l’impossibilité de justifier du montant de ses revenus, perçus en espèces, tirés de l’activité pratiquée depuis plusieurs années antérieurement aux faits, elle est fondée à solliciter que sa perte de gains soit calculée sur la base du SMIC. »
Cet arrêt est une belle victoire pour que le droit à indemnisation de toutes les victimes, même celles qui ne peuvent justifier du montant de leurs revenus antérieurs.
Cela laisse présager plus généralement une indemnisation de la perte de gains des personnes en capacité de travailler, a minima par référence au SMIC, dès lors qu’il est impossible de justifier du montant de leurs revenus antérieurs.
[1] Cour d’appel de Paris, 1er juillet 2021, Pôle 4 chambre 12, RG 18/22166