Emprise et milieu de la mode : Un ex-agent de mannequins condamné à seize ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles

15 décembre 2023
15 décembre 2023 Chlowebmaster

Par un arrêt du 22 décembre 2023, la Cour Criminelle départementale de Paris a condamné à 16 ans de réclusion criminelle un « scout », un recruteur, de mannequins.
Il était poursuivi pour des faits de viols et d’agressions sexuelles sur plus de quinze victimes, entre 2007 et 2014, dont plusieurs étaient mineures au moment des faits et certaines tout juste 15 ans. Le Cabinet assistait trois de ces victimes.
Le mode opératoire était toujours identique : il abordait les jeunes filles dans la rue, voire à la sortie du collège. Il leur proposait de devenir mannequin en leur faisant miroiter une carrière extraordinaire nationale et même internationale.
Après avoir amadoué leurs parents, il réussissait à les couper de leur famille, à leur imposer des régimes drastiques, à contrôler toute leur vie jusque dans leurs moindres détails.
Toutes les victimes ont décrit l’emprise qu’elles ont subie et la manière dont il a abusé d’elles.
La cour criminelle départementale, composée uniquement de magistrats professionnels, a déclaré l’accusé de 43 ans coupable de viols et d’agressions sexuelles « par personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction ».
Cette condamnation est emblématique car il s’agissait d’un des premiers procès #meetoo survenu dans le monde de la mode.
Elle est aussi exemplaire dans la mesure où les magistrats ont retenu l’absence de consentement du fait de la « contrainte psychologique » mise en place par leur agresseur. Les termes retenus dans la feuille de motivation de la Cour pour qualifier l’emprise sont sans édifiants  : « manipulateur », « stratagèmes », « acharnement », « relation d’ascendance » « conditionnement sexuel », « rabaisser », « pression », « humilier ».
Après plus de huit années de procédure pour se voir enfin reconnaitre la qualité de victimes, le combat continue pour mes clientes afin qu’elles soient indemnisées de l’ensemble des préjudices subis.

Le Monde avec AFP

Johan Mapaga était jugé par la cour criminelle départementale de Paris pour des viols et des agressions sexuelles sur une quinzaine de jeunes filles entre 2007 et 2014.

L’ex-agent de mannequins Johan Mapaga a été condamné vendredi 22 décembre à seize ans de réclusion par la cour criminelle départementale de Paris pour des viols et des agressions sexuelles sur une quinzaine de jeunes filles entre 2007 et 2014.

La cour, composée uniquement de magistrats professionnels, a déclaré cet homme de 43 ans coupable de viols et d’agressions sexuelles « par personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction ». L’avocat général avait requis quinze ans de réclusion criminelle pour l’ex-agent, qui demeure, selon lui, « dangereux » et dont « le profil est inquiétant ».

La cour a également condamné M. Mapaga à une obligation de suivi sociojudiciaire pendant sept ans et lui a interdit de se livrer à l’avenir à une activité dans le milieu de la mode. Si le condamné ne respectait pas ses obligations, il serait frappé d’une peine de cinq ans d’emprisonnement supplémentaire, a ajouté le président de la cour, Denis Kenette.

L’ancien agent, qui comparaissait libre sous contrôle judiciaire après quatre ans de détention provisoire, de juin 2016 à juin 2020, a été arrêté à l’annonce du verdict avant d’être menotté pour être conduit en prison.

Les jeunes femmes parties civiles ont accueilli le verdict avec dignité, toutes en pleurs. « Enfin ! », a déclaré l’une d’elles, mineure au moment des faits. « J’ai conscience du mal que j’ai fait. Je n’ai rien d’autre à ajouter », avait simplement déclaré l’accusé avant que la cour se retire pour délibérer.

Mode opératoire

Pour l’accusation, le mode opératoire pour abuser de jeunes femmes était toujours identique. Recruteur et agent de mannequins reconnu dans le milieu de la mode, M. Mapaga abordait les jeunes filles, parfois mineures, dans la rue ou dans un lieu public, voire à la sortie du collège. Il leur proposait de devenir mannequin en promettant de les former à ce métier en vue d’une « carrière nationale ou internationale ». Les jeunes filles recrutées, certaines âgées de seulement 14 ans, étaient rapidement coupées de leur famille et se retrouvaient « sous son emprise », ont décrit des victimes à la barre.

En fait de formation, M. Mapaga imposait aux jeunes filles un régime drastique. Puis venaient les humiliations, un « harcèlement moral » et « des propos rabaissants et humiliants » avant des agressions sexuelles. Il imposait notamment aux jeunes filles des massages à base de crème amincissante, une occasion pour lui d’attouchements sexuels.

« La mode, c’est le sexe », martelait l’agent aux jeunes filles, les accusant d’être « trop coincées » pour réussir dans ce milieu. Pénétration digitale, cunnilingus, pénétration vaginale, sodomie… les jeunes filles ont rapporté à la barre ce qu’elles avaient subi. Tout au long de l’audience, l’accusé a farouchement nié avoir abusé d’elles mais a reconnu des relations sexuelles « consentantes », assurant qu’il n’y avait jamais eu de contrainte. « Elles prenaient du plaisir donc il y avait consentement », a-t-il dit lors de son audition.

« Vous avez mis ces jeunes filles, vulnérables, dans des situations terribles, lui a indirectement répondu l’avocat général, Christophe Auger. Elles devaient se soumettre à vos injonctions. Elles n’étaient consentantes en rien. »

« Grâce à cette décision, toutes les victimes ne vont plus s’interdire d’être heureuses », a réagi après le verdict l’avocat de cinq parties civiles, Me Méhana Mouhou. « Le poids de la honte et de la culpabilité a vraiment changé de camp, a-t-il déclaré. C’est un signal pédagogique incroyable pour la protection de toutes les jeunes filles de France qui rêvent de mode et de mannequinat. »

« La cour criminelle a prononcé une peine excessive motivée par l’émotion plus que par le droit », ont, pour leur part, réagi les avocats de M. Mapaga, Mes Romain Boulet et Alexia Gavini. M. Mapaga dispose de dix jours pour faire appel.

Mieux connaître l’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants pour mieux les combattre, et formuler des recommandations : telle était la mission principale de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui a livré mi-novembre son rapport final. Un travail jugé si nécessaire que la secrétaire d’Etat à l’enfance, Charlotte Caubel, a annoncé la pérennisation de cette commission conçue au départ comme temporaire.

Le rapport dévoile l’ampleur du phénomène : chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. Pour près d’un quart avant l’âge de 5 ans. Il confirme également que l’agresseur est connu de la victime dans la très grande majorité des cas.

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