Retour d’expérience
A la suite d’un apéritif très alcoolisé, un jeune cadre dynamique, père de famille, parfaitement inséré dans la société et n’ayant aucun antécédent judiciaire, regagne son domicile en passant par le bois de Vincennes.
Voyant une jeune fille devant lui, il se place discrètement derrière elle et lui agrippe les fesses avec insistance.
Placé en garde à vue, l’agresseur est rapidement amené à l’hôpital compte tenu de son état d’ébriété. Il expliquera ensuite de manière constante, n’avoir aucun souvenir de ses agissements et plus particulièrement, avoir un « trou noir » entre le moment où il quitte le domicile de ses amis et son « réveil » à l’hôpital, entouré de policiers.
Lors de l’audience devant le Tribunal correctionnel, un débat s’est ouvert pour savoir si d’une part, l’intention coupable était caractérisée, élément nécessaire pour retenir l’infraction d’agression sexuelle, puisqu’il n’avait aucun souvenir de l’agression. Et d’autre part, si son état alcoolique aurait pu altérer son discernement ou entraver le contrôle de ses actes, ce qui aurait conduit à retenir une circonstance atténuante de sa responsabilité pénale.
Finalement, le juge a reconnu l’agresseur coupable des faits d’agression sexuelle et prononcé une simple dispense de peine, après vérification de l’indemnisation de la victime.
- Cette situation renvoie à l’affaire Halimi et à la notion de responsabilité pénale à la suite de la prise volontaire de substances psychotrope
En l’espèce, l’auteur avait consommé du cannabis, déclenchant un délire psychotique, le conduisant à passer à l’acte et au meurtre de sa victime.
La question qui se posait donc était de savoir si l’on pouvait tirer les conséquences de cette prise volontaire de substances psychotrope ou si le fait d’avoir commis son crime alors qu’il était sujet à une bouffée délirante justifiait son irresponsabilité pénale.
Par un arrêt du 19 décembre 2019, la Cour d’appel de Paris a déclaré l’auteur des faits pénalement irresponsable au visa de l’article 122-1 du Code Pénal.
Les parties civiles se sont pourvues en cassation. Dans son arrêt du 14 avril 2021 (Cass. Crim., 14 avril 2021, n°20-80.135), après avoir rappelé la caractérisation d’une bouffée délirante chez le mis en cause au moment des faits, la Cour de cassation a considéré que « les dispositions de l’article 122-1, alinéa 1er, du code pénal, ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition de ce discernement ».
Ainsi, l’irresponsabilité a été considérée comme acquise dès lors la cause de l’abolition du discernement est établie que ce trouble soit endogène ou exogène, en l’occurrence exotoxique. Le mis en cause ne donc jamais renvoyé devant une cour d’assises.
Si cette absence de procès d’assises peut choquer, il n’en demeure pas moins que la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Il a instauré la possibilité de saisir la Chambre de l’instruction afin qu’elle statue sur la responsabilité pénale de l’auteur. Cette audience a le mérite de discuter de la matérialité et de l’imputabilité des faits, d’entendre autant que faire se peut l’auteur et la famille de la victime.
En tout état de cause, cet arrêt a inquiété quant à un risque d’instrumentalisation et d’irresponsabilité pénale, raison pour laquelle le législateur est à nouveau intervenu.
- La création de causes d’exclusion du régime d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité en cas de prise volontaire de substances psychoactives
Conscient du risque d’instrumentalisation de ce régime d’altération ou d’abolition du discernement, le législateur est intervenu par la loi du 24 janvier 2022.
D’une part, a été créé l’article 122-1-1 du Code pénal, visant à limiter les cas d’application de l’irresponsabilité pénale en cas de prise volontaire de substance psychotrope.
Ainsi, ne pourra être considérée irresponsable pénalement « si l’abolition temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l’action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l’infraction ou une infraction de même nature ou d’en faciliter la commission ».
D’autre part, dans une volonté affirmée de limiter l’effet de l’irresponsabilité pénale en cas de trouble mental résultant d’une intoxication volontaire, le législateur est allé au-delà, et a également créé de nouvelles infractions spécifiques, réprimant la consommation volontaire de substances psychoactives lorsque cette consommation a provoqué une abolition du discernement au cours de laquelle la personne commet un homicide volontaire ou des violences ou encore un viol (articles 221-5-6, 222-18-4 et 222-26-2 du Code pénal).
Enfin, le législateur a créé un article 122-1-2 du Code pénal spécifique à l’altération du discernement qui prévoit que : « La diminution de peine prévue au second alinéa de l’article 122-1 n’est pas applicable en cas d’altération temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit lorsque cette altération résulte d’une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives. »